MEUTRE D’UN AUTOCHTONE KROUMEN EN RCI
Le mercredi 29 mai 2019 restera gravé en lettres d’or dans les mémoires des populations ivoirienne et burkinabè vivant dans le village de Ourou, dans la sous-préfecture de Grand-Béréby. En effet, c’est ce jour qu’a eu lieu une cérémonie de réconciliation suite à l’assassinat crapuleux d’un autochtone kroumen par un jeune Burkinabè.
Pour régler un conflit de grande ampleur en gestation dans cette partie ouest de la Côte d’Ivoire, située à plus de 600 km d’Abidjan, l’ambassadeur du Burkina en Côte d’Ivoire, Mahamadou Zongo, a pris son bâton de pèlerin pour aller sceller une réconciliation entre ses compatriotes et leurs tuteurs à Grand-Béréby, après le crime crapuleux d’un kroumen. C’était lors d’un déplacement effectué du 27 au 30 mai 2019. A cette rencontre, Mahamadou Zongo avait à ses côtés, les Consuls généraux du Burkina à Soubré et à Abidjan, respectivement Hervé Bazié et Benjamin Nana, le Délégué consulaire des Burkinabè de Grand-Béréby, Dramane Compaoré. Une réconciliation obtenue au prix de la détermination de l’ambassadeur Mahamadou Zongo avec l’appui sans faille du préfet de la région de San-Pédro, le Colonel Ousmane Coulibaly et son équipe préfectorale.
Rappel des faits. Le jeudi 4 avril 2019, Poly Roger Goué, docker au Port autonome de San-Pedro, de retour du travail, est sauvagement assassiné aux environs de 19h par un jeune ressortissant burkinabè. Le défunt, la cinquantaine sonnée, a laissé derrière lui une veuve et sept enfants. Or, selon la coutume et les us kroumen, il est formellement interdit de verser le sang humain. Une règle valable pour tous les habitants, aussi bien kroumen que les autres populations avec lesquelles ils vivent en symbiose. Mais lorsque cette règle est violée, la sanction suprême est le bannissement sur toute l’étendue du territoire des kroumen. La conséquence immédiate de ce meurtre a été le bannissement définitif du criminel. Les parents récalcitrants du meurtrier subissent un bannissement d’une durée de sept ans pour avoir refusé de respecter l’interdiction d’aller dans les plantations après la commission du meurtre. Les autres ressortissants Burkinabè résidant dans la localité écopent également un bannissement temporaire dans ledit village, juste le temps que soit accompli le rituel de purification des terres et des sacrifices au nom du défunt. En somme, tous les Burkinabè sont interdits d’accès à leurs plantations de cacao, d’hévéa ou de palmiers à huile. Certains ont vu leurs habitations de fortune (campements) saccagés, vandalisés ou brûlés. D’autres sont devenus des « persona non grata » et leurs cacaos sont récoltés clandestinement et vendus à des receleurs. Face à une telle situation devenue délétère et qui risquait de dégénérer à tout moment en affrontement sanglant (les Burkinabè bannis ne supportaient plus le vol de leurs cacaos et vendus à des receleurs), la Représentation diplomatique et consulaire burkinabè en Côte d’Ivoire se devait d’intervenir promptement pour limiter les dégâts et empêcher le feu de se propager. Une préoccupation partagée par les autorités locales de la région, les élus et les chefs coutumiers. C’est ainsi donc que l’ambassadeur Mahamadou Zongo a été amené à effectuer plusieurs « va-et-vient », successivement du 2 au 4 mai, ensuite du 14 au 17 mai, et enfin, du 27 au 30 mai 2019, entre Abidjan-San Pédro et Grand-Béréby. Lors du premier déplacement du 2 au 4 mai 2019, une rencontre de haut niveau avait réuni autour du préfet de Région de San-Pedro, le Colonel Ousmane Coulibaly, l’Ambassadeur Mahamadou Zongo, les sénateurs et maires de la commune de Grand-Béréby, Messieurs Alphonse Gosso Yabayou et Justin Lato Yebarth, les députés Bernard Kah Toh et Cyrille Pawa Hié ainsi que le Président du Conseil régional de San-Pedro, Monsieur Donatien Beugre. Après les salutations d’usage, l’ambassadeur Mahamadou Zongo avait présenté les condoléances et la compassion du Burkina Faso aux autorités locales et aux autochtones kroumen suite à ce crime atroce commis par un de ses compatriotes. En réponse, les populations kroumen avaient accepté le pardon et fixé un rendez-vous pour sceller la réconciliation avec leurs frères burkinabè. Ensuite, les deux parties avaient entamé des négociations, car la notabilité kroumen et la famille du défunt considéraient que ce crime est venu briser le pacte de non-agression signé en 1999 entre les autochtones kroumen et la communauté burkinabè. Le préfet de région Ousmane Coulibaly et l’ambassadeur Mahamadou Zongo ne sont pas de cet avis. « Ce pacte ne saurait être rompu par le seul fait d’un individu. Il y a lieu de travailler au renforcement des relations entre Ivoiriens et Burkinabè vivant dans la localité, et prier Bon Dieu pour le repos de l’âme du défunt », ont-ils indiqué.
Ce message a été bien reçu, mais la famille éplorée a exigé, entre autres, la prise en charge de la veuve et des orphelins à hauteur de trois millions de F CFA ; une dote pour les sacrifices à accomplir et comprenant, deux bœufs, deux cabris, deux poulets blancs, dix casiers de vin, dix casiers de bière, dix casiers de sucrerie, douze bouteilles de gins argentés, un carton d’autres liqueurs, cinq sacs de riz, du piment, du sel et de l’huile rouge. Ces exigences ont eu un écho favorable de la partie burkinabè. Par contre, l’ambassadeur Zongo et le préfet de région avaient plaidé et obtenu la mutation des bannissements des récalcitrants et des autres Burkinabè en amendes. En ce qui concerne le départ des planteurs burkinabè de leurs campements pour résider dans les villages, l’ambassadeur avait sollicité et obtenu le soutien de l’administration préfectorale dans l’organisation de ce retour dans les villages. Toutefois, il a souhaité que ce retour s’effectue dans un cadre ordonné avec des espaces bien aménagés pour leurs installations. C’est donc à l’issue de cette première rencontre qu’un rendez-vous avait été fixé au 15 mai 2019 pour faire la réconciliation. Malheureusement, à cette date, certains médiateurs étaient en déplacement hors de la Côte d’Ivoire, et d’autres personnes- ressources n’étaient pas également disponibles. Enfin, quelques petits esprits malveillants n’étaient pas encore pour la réconciliation, et il fallait prendre du tact en fixant un nouveau rendez-vous pour le 29 mai 2019. Cette fois-ci a été la bonne, car tous les protagonistes de la crise et les bonnes volontés d’une vraie réconciliation sont présents. Les représentants des onze tribus et la jeunesse kroumen étaient face à la délégation préfectorale, l’Ambassadeur et sa suite, le représentant du Médiateur de la République de Côte d’Ivoire et les élus locaux de la région. Avant l’entame des échanges, le traditionnel piment accompagné de la cola et un verre d’eau sont servis à l’ambassadeur et sa délégation pour une dégustation en guise de bienvenue en territoire kroumen. Les échanges à proprement parler débutent aux environs de 10h. L’enveloppe financière de trois millions pour la famille de la victime et la dote pour les sacrifices sont acceptés après une minutieuse vérification au détail. Mais, les débats s’enlisent autour du bannissement des Burkinabè. C’est la position des jeunes kroumen. « C’est inacceptable et impossible », rétorque le préfet de région, « parce qu’un acte isolé d’un individu ne saurait rejaillir sur toute une communauté. Le criminel est en prison et il écopera une sanction à la hauteur de son crime». Au final, cette position sera acceptée de part et d’autre. La réconciliation venait ainsi d’être obtenue au prix d’une intransigeance des autorités préfectorales et de la détermination de la diplomatie burkinabè. Aux termes de plus de 4 heures d’horloge de concertations, le samedi 1er juin a été retenu pour matérialiser, par le sacrifice, le pacte de non-agression. En d’autres termes, ce 1er juin 2019, seront célébrées les funérailles du défunt, et dès le dimanche 2 juin, tous les Burkinabè regagneront leurs plantations dans le respect des us et coutumes de leurs tuteurs kroumen.
Issouf ZABSONRE
Attaché de Presse
Ambassade du Burkina
Côte d’Ivoire