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PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE AU CONGO : Sassou et la tentation de pouvoir à vie


Le Parti Congolais pour le Travail (PCT) du président Denis Sassou N’Guesso devra se prononcer ce mardi 30 décembre 2014 en faveur de la révision ou non de la Constitution congolaise. En rappel, le pays est divisé, en raison des velléités de modification de la Constitution congolaise de 2002, par des partisans de l’actuel chef de l’Etat, dans l’optique de lui permettre de se présenter une fois de plus à la magistrature suprême. Sauf surprise, le PCT sera favorable à cette révision constitutionnelle, au grand dam des démocrates, de tous ceux qui se prennent à rêver  d’alternance au Congo.

L’unité de son parti offre au chef de l’Etat congolais un large boulevard à vie

En effet, quand on connaît la propension des personnalités issues des différents camps présidentiels en Afrique à jouer aux griots de leurs champions de présidents, on imagine difficilement comment les partisans du PCT vont oser faire un « affront » à Denis Sassou N’Guesso, en lui refusant ce quitus pour tripatouiller la Constitution. Ce congrès devra donc servir à adouber le chef de l’Etat congolais et à faire avaler la couleuvre aux partisans de l’alternance au Congo et d’ailleurs.

Le PCT sera d’autant plus enclin à prendre sans difficulté cette décision, qu’il est demeuré monolithique. En effet, le parti présidentiel congolais n’a pas connu de déchirures internes, à l’instar de certains de ses homologues sur le continent. Il a jusque-là échappé au phénomène des démissions de cadres de premier rang dont a été victime un parti comme le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de Blaise Compaoré au Burkina. Sassou N’Guesso peut donc tabler sur cette unité de son parti, pour soutenir ses ambitions de jouer les prolongations à la tête de son pays. Contrairement à son ami Blaise Compaoré, il n’a pas encore à faire face à une société civile vigilante et déterminée à sauver la démocratie. Il n’a pas non plus affaire à une opposition tenace, coriace, déterminée à en découdre à tout prix avec les tripatouilleurs de Constitutions, partisans des pouvoirs à vie. Ajoutée à la faiblesse de l’opposition politique congolaise et aussi de la société civile de ce pays, l’unité de son parti offre au chef de l’Etat congolais un large boulevard à vie. Il pourra, de ce fait, rouler à tombeau ouvert vers un énième mandat.

Ce recul qu’on constate en Afrique sur le plan de l’alternance, est, bien entendu, déplorable. De nombreux chefs d’Etat font des pieds et des mains pour rester au pouvoir. Cela jure avec certains acquis engrangés par le continent en la matière, déjà à la fin du 20e siècle et au tout début du 21e siècle. Est de ces acquis, le renoncement au pouvoir à un certain moment, de leaders comme Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Julius Nyéréré de la Tanzanie, Nelson Mandela de l’Afrique du Sud et Joaquim Chissano du Mozambique. Ces hommes ont accepté de quitter le pouvoir à un moment où ils pouvaient encore s’y maintenir. C’est dire combien certains chefs d’Etat actuels sont très loin de leurs illustres aînés et ne font pas honneur à l’Afrique. Leur aveuglément jette du discrédit sur leurs pays respectifs et sur leurs concitoyens, aux yeux du reste du monde. Et ce n’est pas Henri Lopès qui a récemment fait les frais du soutien d’un chef d’Etat très peu soucieux de démocratie, le même Sassou N’Guesso, lorsqu’il s’est agi de trouver un Secrétaire général à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui dira le contraire. Son échec à ce poste est, pour beaucoup, lié à la personne de son chef d’Etat qui soutenait sa candidature, mais qui est l’un des moutons noirs de la démocratie dont la promotion figure pourtant dans les missions de l’OIF.

Brazza n’est pas Ouaga, mais ce qui est arrivé à Ouaga peut aussi arriver à Brazza

C’est dire combien ces chefs d’Etat atteints de la manie du tripatouillage constitutionnel font du mal à leur pays et à leurs concitoyens pris individuellement. Pourtant, ces chefs d’Etat qui ne veulent pas quitter le pouvoir, sont riches, vachement riches, pour des pays aussi pauvres que les pays africains. Ce n’est donc pas forcément pour l’argent qu’ils se maintiennent là. Beaucoup traînent de nombreuses casseroles et n’ont pas le courage de faire face à leur passé. Denis Sassou N’Guesso voudrait certainement, comme bien de ses pairs, empêcher quelques vérités de remonter à la surface, comme l’affaire des disparus du Beach. Toujours est-il que la gouvernance en Afrique a souvent été, hélas, faite en versant le sang d’innocents. Les dirigeants, par peur de rendre un jour des comptes, s’accrochent ensuite désespérément au pouvoir. De plus, les dictateurs ne tirent quasiment jamais leçon de ce qui est arrivé à leurs homologues. Sinon, l’exemple de Blaise Compaoré, qui s’était forgé une image de faiseur de paix, adulé par de nombreux partenaires, craint pour sa force et sa capacité de nuisance surtout dans la sous-région ouest-africaine, obligé de fuir de son palais en plein midi, devrait donner à réfléchir à tout gouvernant.

En tout cas, le président congolais aurait tort de penser qu’il ne peut rien lui arriver. On ne sait jamais d’où peut venir le danger quand on déstructure soi-même son pays, en estimant que c’est à la loi fondamentale de s’adapter au président et non au président de se soumettre à la loi. Le peuple peut somnoler pendant longtemps, mais son réveil a toujours été douloureux pour ceux qui le gouvernent, car son désir de liberté et sa soif de justice et d’alternance longtemps comprimés, finissent par exploser. A Sassou N’Guesso de comprendre donc que ce n’est pas parce qu’on a des soutiens dans une cause que cette cause est noble. Du reste, lorsque quelqu’un est au pouvoir, ses soutiens sont toujours nombreux. Cela est un truisme. Seulement, ces soutiens se volatilisent dès que le vent tourne. Prévenir vaut mieux que guérir, dit l’adage. Il serait, de ce fait, plus sage pour Sassou N’Guesso de prendre les dispositions utiles pour éviter de prolonger l’aventure du Congo sur les sentiers périlleux de l’incertitude, et de s’épargner certains soucis voire des soucis certains. Car, Brazza n’est certes pas Ouaga, mais ce qui est arrivé à Ouaga peut aussi arriver à Brazza. Denis Sassou N’Guesso franchira-t-il le Rubicon ? Il serait mal inspiré de le faire.

 

« Le Pays »


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