HomeDroit dans les yeuxLIMOGEAGE DE PAUL PUT : La défaite est orpheline

LIMOGEAGE DE PAUL PUT : La défaite est orpheline


Le comité exécutif de la Fédération burkinabè de football (FBF) s’est réuni le 6 février 2015 à Bobo-Dioulasso, pour faire le bilan de la participation des Etalons à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), Guinée équatoriale 2015. Après avoir entendu le rapport de l’entraîneur, Paul Put, et celui du directeur technique national, Ousmane Sawadogo, le comité exécutif et l’entraîneur ont convenu de se quitter à l’amiable. Voici un limogeage que l’on a pris le soin de camoufler par un euphémisme. Après avoir permis aux fans du football de savourer des moments d’euphorie consécutifs à la belle chevauchée des Etalons en 2013 en Afrique du Sud, les poulains de Paul Put ont, à l’occasion de la CAN 2015, servi aux Burkinabè un repas qui leur est resté en travers de la gorge. Sur les 16 équipes participantes, les nôtres ont été les plus nuls. La chute a été simplement vertigineuse. Elle l’est d’autant plus que les Etalons se sont présentés en Guinée Equatoriale avec l’auréole de vice-champions d’Afrique. En pareilles circonstances, des têtes tombent. Et c’est celle de Paul Put qui est tombée la première. Et cela peut se comprendre pour plusieurs raisons. D’abord, Paul Put a commis le péché de n’avoir pas apporté du sang neuf à son équipe, en y intégrant de jeunes Etalons. Pourtant, tout le monde savait que certains cadres étaient  « amortis ». Une attitude plus judicieuse de sa part aurait été donc de s’en séparer pour les remplacer par exemple par des jeunes locaux évoluant dans les championnats africains. Ce réajustement s’imposait d’autant plus que certains de ces joueurs ont apporté dans leur club, la preuve qu’ils ont du talent. C’est le cas de Banou Diawara du Racing Club de Bobo-Dioulasso, de Issoufou Dayo du Vita club de Kinshasa et de Moussa Yédan,  sociétaire de Al Ahly du Caire. Au lieu d’intégrer ces pépites dans son effectif, Paul Put a préféré reposer sa formation sur des joueurs en manque de compétition ou  simplement convalescents. Ces prétendues stars sur lesquelles il a jeté son dévolu, bien que clopinant et manquant visiblement de fraîcheur physique, ont toujours été titulaires lors des 3 matchs que les Etalons ont livrés à cette CAN. L’on peut même se demander à ce propos, si Paul Put n’opèrait pas ses choix sous la dictée des agents des joueurs dont l’ambition, on le sait, est de se servir de l’équipe nationale pour assurer une plus grande visibilité à leurs protégés. Or, il y a des moments où un entraîneur digne de ce nom doit, s’il veut atteindre ses objectifs, avoir le courage d’asseoir une star dont le rendement  n’est pas satisfaisant. Chez Paul Put, ça a été tout le contraire. Faire sortir un cadre en cours de jeu, parce que simplement sa prestation est défaillante, n’a jamais taraudé les méninges du technicien belge lors de cette CAN. Une telle attitude détruit l’esprit de groupe dans une équipe. Il y a d’un côté les joueurs intouchables et inamovibles qui savent que leur titularisation est acquise, et de l’autre, ceux qui sont partis à la CAN pour user leur fond de culotte sur le banc de touche. Dans le meilleur des cas, ils ne peuvent espérer toucher au ballon sur la pelouse qu’en cas de blessure des joueurs titulaires. Ensuite, l’on peut avoir l’impression que Paul Put a perdu le contrôle du groupe. Ce déficit d’autorité a permis à certains joueurs de s’arroger indûment des rôles qui ne leur reviennent pas. Cela, on l’a constaté lorsqu’il s’est agi d’exécuter les coups francs. L’on revoit encore Charles Kaboré et Alain Traoré se disputant âprement pour tirer certains coups francs. Dans une équipe qui est tenue comme il le faut par un entraîneur, ce genre de scènes ne peut pas être observé. Car les rôles de chacun, dans l’équipe, sont connus d’avance. Et  c’est l’entraîneur qui les détermine. La responsabilité donc de Paul Put ne peut être dégagée dans la mauvaise prestation des nôtres à cette CAN. Et, il n’a visiblement pas atteint les objectifs à lui fixés par son employeur.

Une équipe nationale se construit comme un immeuble

Mais l’on peut, dans le même temps, se poser la question de savoir si d’autres facteurs ne doivent pas y être pris en compte. Et le principal facteur est le manque de vision de l’Etat et de tous les acteurs. En effet, une équipe nationale se construit comme un immeuble digne de ce nom. Il faut, pour que l’édifice tienne dans la durée, une bonne fondation. Celle-ci consiste à mettre  en place des écoles sérieuses de formation, pilotées par le privé et l’Etat. C’est de ces écoles que pourront sortir des talents qui peuvent faire l’affaire de la Nation. A ce propos, si le Burkina a pu disposer de quelques pépites, ces derniers temps, qui ont tiré notre football vers le haut, c’est grâce en partie à « Planète champions », du nom de cet excellent centre porté sur les fonts baptismaux par un expatrié. Malheureusement, l’expérience de ce centre a tourné court, faute d’accompagnement de l’Etat.

La vision politique dont on parle passe également par l’organisation d’un championnat qui prend en compte toutes les catégories d’âge, avec à la clé, une dotation financière suffisamment motivante. Un tel championnat va non seulement susciter un intérêt pour les joueurs, mais aussi pour le public sans la participation duquel, on le sait, le football perdrait son âme. Enfin, cette vision exige que l’on mette en place un mécanisme de suivi des joueurs. A ce propos, il serait intéressant de savoir ce que sont devenus nos jeunes et vaillants Etalons qui, en 2011 au Rwanda, ont remporté avec brio la Coupe d’Afrique des cadets. Que l’on ne retrouve pas ces anciens cadets  aujourd’hui au sein des Etalons senior, est un gâchis.

Tant que les choses ne seront pas agencées de manière rationnelle, la fonction d’entraîneur dans notre pays, sera l’une des plus précaires et des plus ingrates et tout sélectionneur nommé dans ces conditions, quelle que soit sa compétence, court le risque de porter seul le poids des déconvenues de l’équipe nationale, pour la simple raison que la défaite est orpheline. Paul Put l’a appris à ses dépens, lui qui, hier encore, faisait l’objet d’un culte et qui, aujourd’hui, est accusé de tous les péchés d’Israël.

Sidzabda


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